##Impression 3D : les impacts légaux
Toutes les technologies de rupture ont eu des conséquences importantes sur le système légal. Le photocopieur, les cassettes audio et l’informatique sont trois exemples révélateurs de ce phénomène. Regardez comment Internet a bouleversé la protection des œuvres ou la protection de la vie privée. Il est également impossible de prédire les conséquences d’une rupture technologique pour les entreprises, les particuliers, l’Etat… Pour reprendre le cas de la protection de la vie privée, ce n’est qu’avec l’avènement des réseaux sociaux, qui commence au milieu des années 2000 mais qui a atteint son apogée au début des années 2010, que nous avons décidé de nous pencher sérieusement sur l’aménagement du système légal et qui pour l’instant, n’a peu ou prou évolué face aux nouveaux usages.
L’impression 3D n’en est qu’à ses balbutiements. L’industrie de l’imprimante 3D et des services associés - services d’impression, banques de modèles 3D – reste encore trop embryonnaire pour attirer l’attention du législateur. Historiquement, la loi évolue lentement, tandis que les technologies connaissent des développements fulgurants. Preuve de cela, la législation numérique est un domaine relativement récent, alors que l’Internet est né dans les années 80.
De la production d’armes illégales au respect des copyrights et des droits d’auteurs, nous entrevoyons là de nombreux défis sociétaux et légaux qu’entraînent la diffusion de la technologie de l’impression 3D. Nous allons tenter dans ce chapitre de dresser un tableau objectif de ces challenges que le législateur aura à relever, à travers quelques exemples concrets.
###La création/production d’objet dangereux
Mais si les imprimantes 3D nous permettent de tout produire, qu’en est-il des objets dangereux nocifs ou mortels ? Que se passerait-il si votre voisin décidait d’imprimer une arme à feu pour vous faire regretter le jour où vous avez fait une fête un peu trop bruyante ? Le sujet est nécessairement sérieux et ce d’autant plus qu’il est déjà d’actualité.
####Les armes à feu
#####L’historique des armes à feu 3D-imprimées
En 2012, est apparu sur le site communautaire Thingiverse, qui regroupe de nombreux fichiers 3D téléchargeables gratuitement, un modèle 3D d’une partie d’un fusil. On pouvait alors librement télécharger cette partie du fusil et l’imprimer à sa guise pour l’insérer dans un vrai fusil. Cette partie, le receiver, constitue, dans la plupart des cas, le cœur d’une arme à feu puisqu’il contient le mécanisme de la gâchette et lie le chargeur avec le reste de l’arme à feu. Aux Etats-Unis, d’un point de vue légal, le receiver est l’arme à feu : c’est pour cette partie que vous devez fournir aux autorités tous les permis et autres papiers nécessaires à l’enregistrement de votre arme à feu (pièce d’identité, casier judiciaire…) .
Source: robscomputer - Robert Freiberger via Flickr
Source: Matt Scott - Drab Makyo via Flickr
Par conséquent, avec la disponibilité en ligne d’un modèle 3D de receiver que l’on peut imprimer à la maison avec une imprimante 3D, et puisque c’est la partie contrôlée juridiquement, vous pouvez assembler une arme de toutes pièces sans jamais passer par la case enregistrement et contrôle d’identité ! On comprend alors les implications de la mise en ligne de ce fichier ! Ce dernier a d’ailleurs été retiré du site Internet lorsque les dirigeants du site Thingiverse se sont concertés et ont décidé de stopper sa diffusion. A aucun moment, les autorités américaines ne sont intervenues dans cet épisode.
L’auteur du fichier est une organisation collaborative et en ligne : Defense Distributed , représentée par Cody Wilson, un américain de 25 ans . Defense Distributed est aujourd’hui le symbole des armes à feu 3D-imprimées, domaine dont les applications forcent à réfléchir. La disponibilité de fichiers numériques et d’imprimantes 3D capables de produire des armes à feu aux effets bien réels soulève un problème majeur dans la mesure où la sécurité des citoyens est en jeu. Le receiver n’est que le premier épisode d’une longue série sur le développement des armes 3D-imprimées. En mai 2013, l’organisation a mis en ligne les fichiers STL pour imprimer un pistolet, le Liberator: le premier pistolet entièrement imprimable, se vante l’organisation.
Source: Kamenev via Wikipedia
Source: Kamenev via Wikipedia
Les fichiers du Liberator ont été téléchargés plus de 100 000 fois en deux jours , avant que le Department of State américain n’intervienne et ne demande à l’organisation de retirer les fichiers du site. Bien que désormais indisponibles sur le site de Defense Distributed, de nombreuses plates-formes de téléchargement illégales proposent de télécharger ces fichiers librement en quelques clics. Même si vous n’avez pas de grandes connaissances en informatique, il ne vous faudra pas dix minutes pour les trouver sur le Net.
#####Des dangers bien réels
Tout comme la musique et les films en format numérique, les armes à feu, sous forme de modèle 3D imprimables, sont très difficiles à réguler, certains diront même impossibles. La capacité de distribution de l’Internet est un torrent qu’il est impossible de contrer. La disponibilité de fichiers musicaux ou de films sur Internet est une tragédie pour certains acteurs de l’économie musicale et filmique. Mais la disponibilité de fichiers numériques permettant à n’importe qui, de bien ou mal intentionné, d’imprimer des armes à feu bien réelles (et dans des matières souvent indétectables au rayon X ) représente un vrai sujet de sécurité nationale.
Les imprimantes 3D sont peu (et de moins en moins) onéreuses, sont légères, démontables et facilement transportables. Elles sont des unités de production mobiles, difficilement détectables, idéales pour des personnes mal intentionnées qui souhaiteraient réaliser des trafics illégaux par exemple. Des journalistes britanniques ont réussi à passer les contrôles de l’Eurostar pour embarquer à bord du train avec un Liberator armé sans être inquiétés … En plus d’être létales, ces armes pourraient également être très compliquées à détecter par les moyens classiques comme les portails d’aéroports. Le trafic d’armes représente un juteux business et est donc suffisamment attractif pour des criminels qui souhaiteraient profiter d’une telle opportunité. On voit mal aujourd’hui comment on pourrait stopper des personnes déterminées à imprimer leurs propres armes à feu…
Il semblerait donc que Defense Distributed ait lancé un débat de société qui pourrait se révéler majeur dans les années à venir. L’organisation, qui prétend être moins intéressée par les armes à feu que par la démocratie et la démocratisation des moyens de production , a inauguré l’ère de la production domestique d’armes à feu. Ses fondateurs et ses membres apparaissent comme éduqués et investis d’une mission pour servir de nobles idéaux ; nous nous gardons donc ici de toute analyse critique sur leur projet. Ce qui est sûr pour autant, c’est que de nombreux groupes de personnes moins bien intentionnées auront, à travers la large médiatisation de Defense Distributed, été informées de possibilités qui, jusqu’alors, semblaient être de la science-fiction. Il se pourrait ainsi que la formation de criminels autour du sujet des armes à feu 3D imprimées a pu être par conséquent précipitée par la médiatisation de Defense Distributed.
Mais cette médiatisation qui a été faite autour de l’organisation a également le mérite d’avoir accéléré la prise de conscience de l’enjeu des armes à feu 3D-imprimées auprès des autorités et du grand public. Bien qu’encore confidentielle, la technologie de l’imprimante 3D et ses possibilités de production d’armes à feu n’en demeure pas moins réelles, avec ou sans Defense Distributed pour en porter les couleurs. En se penchant sur le cas du Liberator, le Department of State américain a donc pris conscience des enjeux de l’impression 3D d’armes à feu, mettant en exergue des pratiques qui auraient peut-être mis des années à être découvertes. Alors Defense Distributed, fauteurs de troubles ou justiciers masqués ? Seul l’avenir nous le dira.
####Les drogues
#####Les médicaments 3D-imprimés
Leo Cronin est un scientifique de l’université de Glasgow. Il est responsable d’une équipe de quarante-cinq chercheurs, qui travaillent sur la création de molécules complexes. Un jour, alors qu’il se rendait à un séminaire sur l’architecture pour parler des structures des molécules, il fait la rencontre d’un autre intervenant, venu parler aux architectes des possibilités nouvelles qu’offre la technologie de l’impression 3D dans la conception de bâtiments. L’association d’idées va vite se faire dans l’esprit de Leo Cronin qui va instantanément chercher à appliquer cette technologie à la chimie et à ses molécules.
Il se lance alors dans un projet d’imprimer des molécules, pour créer des médicaments à partir d’une imprimante 3D. Dans une conférence TED , il exposera sa vision de la naissance d’une industrie pharmaceutique téléchargeable donnant la possibilité à tout un chacun d’imprimer ses propres médicaments à la maison, depuis une imprimante 3D.
Au sein de son laboratoire, Cronin et son équipe de chercheurs vont personnaliser une imprimante 3D open-source, la Fab@home, pour la transformer en véritable imprimante chimique. Ils la rebaptisent d’ailleurs la Chemputer (agrégat de Chemistry, chimie en anglais, et Computer, ordinateur en anglais). Au travers de l’extrudeuse de la Chemputer, passe une encre bien particulière, constituée de catalyseurs et autres produits chimiques, destinés à produire de réelles molécules. Cronin explique que la majorité des médicaments sont réalisés avec des molécules banales, telles que le carbone, l’hydrogène ou encore l’oxygène, ce qui implique, qu’avec peu d’encres différentes, on pourrait créer une vaste gamme de médicaments.
A l’heure où nous écrivons ces lignes (décembre 2013), l’équipe se concentre sur la création d’un médicament simple, tel que l’Ibuprofène. En cas de succès, les scientifiques imagineront qu’il est alors possible de créer n’importe quel médicament du marché. Les conséquences sur le monde pharmaceutique et sur la santé publique seront importantes. D’abord, les médicaments seraient disponibles localement, là où les gens en ont besoin, sans délai. D’un fichier numérique, on pourrait produire un médicament localement. Ensuite, cela serait un moyen efficace de lutter contre les médicaments contrefaits. Le patron du médicament (le fichier numérique) serait lui « officiel » et disponible sur le site du laboratoire fabricant par exemple, éliminant par la même occasion le passage par un distributeur intermédiaire dont il est difficile de savoir si ses médicaments sont des originaux ou des contrefaits.
Egalement, et c’est là le point le plus important, certains médicaments ne sont aujourd’hui pas conçus et fabriqués pour des raisons économiques. Par exemple, les coûts de R&D et de distribution ne seront pas couverts par les ventes si le marché de patients n’est pas suffisamment important. Un fichier de médicament disponible sur un site Internet permettrait de le diffuser partout dans le monde supprimant par la même occasion les coûts de distribution. Certains médicaments pourraient alors devenir économiquement intéressants pour les laboratoires pharmaceutiques. On pourra alors fournir des médicaments à des malades qui n’y ont aujourd’hui pas accès, non pas par manque de moyens mais plutôt pour cause d’indisponibilité des produits.
#####Médicament ou drogue ? Ce n’est que question de vocabulaire.
Mais on voit tout de suite les dérives de la production de médicaments par des imprimantes 3D. Entre médicaments et drogues, il n’y a qu’une nuance de vocabulaire. Qui dit capacité de produire des molécules et des médicaments avec une imprimante 3D dit aussi capacité de produire des drogues chimiques… et de les distribuer. Un fichier numérique disponible sur Internet permettant d’imprimer du LSD avec une imprimante 3D ne se présente-il pas comme un concept dérangeant ? Tout comme pour les impressions d’armes à feu, des trafiquants de drogues auraient la possibilité de mettre en place des mini-usines de production discrètes et portables grâce à la technologie d’imprimantes 3D.
Leo Cronin explique néanmoins qu’il faudra attendre 10 ou 15 ans avant de voir l’avènement d’un tel scénario de création de médicaments et de drogues 3D-imprimables; ce qui nous laisse le temps de réfléchir aux meilleurs moyens d’appréhender cet usage délicat de la technologie d’impression 3D.
###La protection de la propriété intellectuelle (PI)
Vous pouvez aujourd’hui trouver facilement n’importe quel objet de votre entourage sous forme de fichier 3D. Les sites qui proposent des fichiers de modèles 3D en libre téléchargement sont légion sur le Web. Bijoux, figurines, jouets… Faites votre choix. Et quand bien même vous ne trouveriez pas votre bonheur dans ces librairies de fichiers, vous pourriez réaliser le fichier 3D vous-même et le distribuer à votre tour sur le net. Pas besoin de maîtriser de complexes logiciels de modélisation 3D pour créer le modèle dont vous avez besoin (même si c’est la façon d’avoir les meilleurs rendus). Vous pouvez tout simplement télécharger une application sur votre smart phone ou votre tablette : vous prenez une vingtaine de photographies d’un objet sous toutes ses coutures et laisser l’application vous renvoyer un fichier du modèle 3D de l’objet en question. Vous pourrez ensuite utiliser ce fichier pour votre propre usage ou le mettre en téléchargement sur un des sites mentionnés précédemment. Parmi ces applications, on trouve 123 Catch de l’éditeur Autodesk que vous trouverez en libre téléchargement sur l’App store.
Cette réalité est excitante. Le développement de telles applications couplées à la capacité de produire de l’impression 3D replace dans les mains des individus un pouvoir de création depuis longtemps réservé aux industriels comme le dépeint Chris Anderson dans son excellent ouvrage Makers, the New Industrial Revolution . Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer les problèmes juridiques que cela va soulever dans les années à venir. Aujourd’hui, nombreux de ces modèles 3D disponibles sur le Web sont soumis à des droits d’auteurs ou à Copyright , et ne peuvent donc pas être reproduits, modifiés ou vendus sans le consentement de l’auteur original ; en d’autres termes, nombreux de ces fichiers sont illégaux. Par exemple : vous mettez en ligne un modèle 3D de Buzz l’éclair, le personnage du film d’animation Toy Story, parce que vous pensez qu’il serait sympa de pouvoir imprimer des figurines du dit personnage. Cependant les créateurs du personnage détiennent les droits sur leur création, ce qui vous empêchera de reproduire leur œuvre sans leur autorisation. Pire, les entreprises qui exploitent ces droits d’auteurs produisent elle-même des figurines de Buzz l’éclair, qu’elles vendent en magasin. Ces produits dérivés représentent un profit additionnel aux recettes du film et permettent parfois de rentabiliser une production à gros budgets; sans cela le modèle économique de la création pourrait être mis à mal… On aperçoit donc les enjeux de votre simple idée de mettre en ligne une figurine de Buzz l’éclair, pour vous faire plaisir. Si n’importe qui peut télécharger un modèle de Buzz l’éclair sur Internet pour en imprimer une figurine depuis son imprimante 3D de bureau sans passer par la case droits d’auteurs, cela déclenchera sans aucun doute les foudres des entreprises qui subiront un manque à gagner.
L’impact économique d’un tel processus est aujourd’hui trop limité et ne justifierait pas les coûteux honoraires d’avocats que suppose la chasse aux droits d’auteurs bafoués. Mais il est certain que le jour où le manque à gagner généré par les modèles 3D disponibles gratuitement et leur 3D-impression seront supérieurs aux coûts légaux impliqués par la protection de la propriété intellectuelle, les lettres de mise en demeure et procès se multiplieront. En aout 2013, la société de jeux vidéo japonaise Square Enix, qui édite le fameux jeu de rôle Final Fantasy a mis en demeure le site Internet Shapeways suite à la mise en ligne et à la vente de figurines représentant les héros du jeu Final Fantasy. A la réception de cette lettre, le site a immédiatement retiré de sa plate-forme les figurines problématiques. Une précision de taille est à apporter ici. Si la reproduction identique d’un personnage de dessin animé est un cas évident de non-respect de droit d’auteur, qu’en est-il des reproductions de modèles du même personnage qu’on aurait modifié ou transformé avec un logiciel ? Si vous décidez de prendre le corps de Buzz l’éclair et de remplacer sa tête par celle d’un personnage historique par exemple ? Il faut savoir que le droit d’auteur sera là aussi bafoué si vous publiez ce modèle sur Internet. En effet, le droit d’auteur protège l’œuvre contre la reproduction à l’identique mais également la modification et la transformation…
La culture Internet est celle du Rip, Mix and Burn. Regardez le succès des Gregory brothers par exemple . Ce petit groupe de musique prend une vidéo d’un extrait du journal télévisé, une musique connue et refait les paroles avec une voix synthétique. Il remixe le tout en faisant des boucles et en recomposant la structure de la vidéo et de la musique. Ces vidéos connaissent un succès planétaire. Leur plus gros hit, Bed Intruder, a été visionné plus de 111 000 000 fois sur YouTube à ce jour. Ces co-créations sont typiques de notre société connectée et on comprend la complexité juridique sous-jacente que cela implique. Les outils auxquels tout le monde a accès, permettent aujourd’hui de modifier, compiler et assembler tout un tas de matériel soumis à droits d’auteurs ou à Copyright pour en faire des créations uniques. L’impression 3D vient dans la continuité de ce mouvement : les modèles 3D en libre téléchargement, les logiciels de créations 3D de plus en plus simples d’utilisation, les scanners 3D,…
Autant d’outils qui vont rendre le travail du législateur très compliqué et qui risquent de donner des crises de panique aux industriels. Car si en pratique, vous pouvez facilement défendre des droits d’auteurs, les honoraires à dépenser n’en valent pas toujours la chandelle. De plus, il sera facile de dissuader une personne de ne pas publier ou de dé-publier des modèles problématiques d’un site Internet. Un individu isolé n’a pas les moyens de savoir s’il est vraiment en tort lorsqu’il reçoit une lettre d’avocat… et il n’aura probablement pas l’envie de le vérifier si c’est pour risquer d’avoir un procès. Mais la multiplicité des cas sera impossible à appréhender pour les avocats d’affaires des sociétés concernées. Vous résolvez un cas mais vous en avez dix autres qui se déclareront le lendemain… Tout comme ce fut le cas pour l’industrie musicale avec le piratage des fichiers musicaux, il y a fort à parier que c’est une bataille perdue d’avance pour les industriels.
###La protection du consommateur
####Les normes
En tant que consommateur, nous avons peu ou pas conscience de l’épaisse « couche » de législation auxquelles sont soumis les produits que nous consommons. Les produits manufacturés sont soumis à des normes de qualité et de sécurité afin que nos enfants ne s’intoxiquent pas quand ils mettent leur nounours à la bouche. Nous avons tous vu le sigle CE apparaître sur l’emballage de jouets ou de produits électroménagers. Les produits vendus en Europe doivent obtenir cette norme (Communauté Européenne) avant d’être distribués dans les magasins de l’Union Européenne . Ces normes garantissent que les produits sont passés à travers tout une batterie de tests (résistance, toxicité,…) effectués bien souvent par des instituts indépendants des fabricants (qui les rémunèrent). En l’occurrence, il y a huit procédures de tests réalisés à la conception du produit qui sont répétés à la fabrication. Le fabricant doit ensuite afficher le marquage CE sur ces produits et faire une déclaration CE de conformité à l’administration.
Cette législation a été instituée pour protéger les consommateurs en assurant la non dangerosité (à tout point de vue) des produits des fabricants. Fabriquer des produits aux normes ou mettre des produits anciens aux normes a également un coût important pour les fabricants. Mener les longues batteries de tests ainsi que le traitement administratif exigeant demandé par l’administration supposent un budget conséquent, mais nécessaire.
L’imprimante 3D permet à n’importe qui de produire ses propres objets et créations, avec un petit budget. Pas besoin d’avoir un sens du commerce très développé pour comprendre que la prochaine étape après la production d’un objet est sa vente. De nombreuses personnes mettent déjà en vente sur Internet des objets créés sur des logiciels de CAO, depuis leur domicile. Les sites Internet comme Sculpteo.com ou son équivalent américain Shapeways.com permettent d’ouvrir gratuitement un magasin en ligne où vous pouvez commercialiser vos créations, qui une fois achetées, seront imprimées et livrées. Ces produits ne sont bien souvent pas certifiés par les normes classiques mentionnées précédemment. Bien que les objets actuellement en vente soient encore assez simples – figurines, tasses, lampes… - on se demande bien ce qu’il se passerait en cas de problèmes sérieux advenant à cause d’un de ces objets… Le marquage CE n’est pas obligatoire pour tous les produits. En effets, deux grandes catégories de produits doivent être aux normes dans l’UE : les produits d’utilisation strictement professionnelle (dispositifs médicaux, ascenseurs, instruments de pesage) et les produits de grande consommation (par exemple jouets, ordinateurs, portables et ampoules). A la lecture de ces catégories de produits, nous voyons néanmoins qu’elles couvrent potentiellement une très large gamme d’objets et il est fort probable que de nombreux objets issus de l’économie de l’impression 3D sous la forme mentionnée plus haut relèvent déjà de la norme CE (ou ne le tarderont pas).
####A qui la faute ?
En cas de problème, les tribunaux cherchent à déterminer à qui revient la faute. Le cas que nous venons de mentionner est d’autant plus complexe que plusieurs acteurs sont impliqués dans la fabrication d’un produit. En effet, si la conception des produits est assurée par un particulier ou une entreprise avec un logiciel de CAO, la fabrication est en revanche réalisée par les services d’impression comme Sculpteo. Rappelez-vous que la procédure d’agrément CE prévoit une batterie de tests à la conception et à la fabrication. La « normalisation » des produits devient alors un véritable casse-tête ; tout comme le travail de la justice en cas de litige. Qui serait responsable ? La complexité devient d’ailleurs exponentielle si vous augmentez le nombre d’acteurs dans la chaine de conception et de fabrication.
Voici un exemple simple. Vous achetez un skateboard dans un magasin spécialisé. Vous l’utilisez d’abord en condition normale, puis vous décidez de détourner l’utilisation du skateboard en vous accrochant à une voiture qui parcourt la ville à toute vitesse. Ne résistant pas à la vitesse, les « trucks » du skateboard (les parties métalliques qui relient les roues à la planche) cassent et vous vous cassez la jambe par la même occasion. Vous décidez alors de porter plainte contre le fabricant du skateboard, qui selon vous n’a pas bien fait son travail puisque son produit n’a pas résisté à vos « exploits ». Pour trancher, la justice regardera si le produit est bien aux normes, ce qui sera souvent le cas, et vérifiera si votre utilisation du produit relevait d’une pratique normale ou détournée et donc réalisée à votre propre péril. Dans les conditions normales, le produit est fait pour résister 90% du temps ; c’est le travail des normes. Dans l’utilisation anormale, c’est votre faute ! Sinon on pourrait demander au même skateboard de ne pas casser si un éléphant l’utilisait… Dans notre cas, facile d’identifier la partie fautive. Mais que ce passe-t-il si ce même skateboard avait été fabriqué par vous, en téléchargeant un modèle 3D sur Internet réalisé par un tiers et 3D-imprimé avec une Replicator 2 avec du plastique PLA d’un fabricant quelconque ? A qui la faute ? L’auteur du modèle ? Le fabricant de l’imprimante ? Le producteur du plastique ? Ou l’assembleur final, en l’occurrence vous ?